Une Histoire d’Expérience : Utiliser les neurosciences pour améliorer son expérience client

Auteur : Pauline Constant
Publié le 12 novembre 2024
Modifié le 20 septembre 2023

Utiliser les neurosciences pour améliorer son expérience client

Dans cet épisode d’Une Histoire d’Expérience, nous avons le plaisir d’entendre Axel De Marles, CEO de Senseva, qui nous explique comment et pourquoi intégrer les neurosciences dans la Relation Client. Une vidéo captivante pour mieux comprendre ses clients, leurs émotions et améliorer son expérience client.

Regarder l’épisode 1 :

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Axel De Marles, je suis le fondateur et le gérant de Senseva. Senseva est un cabinet d’études et de conseils en marketing. Nous accompagnons nos clients, notamment sur l’amélioration de l’expérience client, en nous concentrant sur sa compréhension en particulier. Nous nous appuyons notamment sur les neurosciences, en utilisant les apports des neurosciences pour mieux comprendre les comportements des consommateurs et des clients. Nous conseillons ainsi nos clients pour qu’ils puissent améliorer, repositionner, et innover sur leur proposition de service, impactant ainsi l’expérience client.

Pouvez-vous nous expliquer comment les neurosciences décryptent l’expérience client ?

Alors, en effet, la première question à se poser est : pourquoi les neurosciences peuvent-elles nous éclairer et améliorer notre compréhension de l’expérience client ? Je pense qu’il faut d’abord comprendre ce que l’on cherche. Dans l’expérience client, nous cherchons évidemment à impacter la mémoire de nos clients, à influencer leurs préférences, et à générer des émotions. Derrière ces trois indicateurs, il existe des modèles qui nous permettent de mieux comprendre ces phénomènes.

Les neurosciences, et des travaux relativement récents sur la mémoire, montrent que la mémoire est une trace, une modification de notre cerveau, qui est à la fois dynamique et éphémère, mais qui peut se mettre à jour en permanence. De la même façon, les modèles neuroscientifiques nous expliquent que la préférence est une chose, mais que la motivation en est une autre. La préférence est largement étudiée et prise en compte en marketing et dans l’expérience client. Cependant, on commence à s’intéresser davantage à la motivation, un domaine qui, je pense, va se développer dans les années à venir.

Au cœur de tout cela, il y a les émotions, qui sont très étroitement liées à la mémoire, la motivation, et la préférence. Les neurosciences nous proposent différents modèles pour interpréter, comprendre ce qu’est une émotion, ce qui l’impacte, ce qui la génère, et comment la comprendre et l’interpréter.

Que nous apportent les neurosciences dans la compréhension de l’expérience client ?

Prenons l’exemple de la mémoire. Autrefois, nous classions la mémoire en différents types, comme la mémoire procédurale ou la mémoire sémantique. Aujourd’hui, des travaux plus récents, notamment ceux du chercheur Rémi Versace, qui travaille à Lyon, en France, nous enseignent que la mémoire est un état cérébral, une trace de notre cerveau, mais cet état est éphémère et dynamique. Cela signifie qu’il peut se remettre à jour. Grâce à ses recherches, nous avons pu démontrer que cet état peut être rappelé par des éléments ayant marqué l’expérience. Par exemple, une odeur peut ramener notre cerveau à un état particulier vécu dans le passé.

Typiquement, on parle de la madeleine de Proust. Je vais vous donner un autre exemple : pour ceux qui ont vécu cette période, la date du 11 septembre 2001. C’est évidemment une date triste, mais pour ceux qui ont vécu ces événements, cette simple date fait immédiatement resurgir des souvenirs. La grande majorité des gens se souviennent où ils étaient, avec qui ils étaient, au moment où ils ont appris la nouvelle des événements du 11 septembre. Juste cette date est capable de faire réémerger un souvenir, même lointain, maintenant que cela fait plus de 20 ans.

Et pourquoi sommes-nous capables de nous remémorer avec autant de précision cet événement, alors que nous ne savons absolument pas ce qui s’est passé la veille ou le lendemain à la même heure ? C’est parce que cet événement avait une force et un impact émotionnel. Les neurosciences nous apprennent également que l’intensité émotionnelle, l’intensité du vécu, permet d’ancrer cette trace mémorielle et de l’imprimer durablement dans le cerveau, pour la faire émerger lorsque l’on se retrouve face à un élément particulier.

C’est là que les neurosciences sont très intéressantes lorsqu’on parle d’expérience client : comment cette expérience peut-elle être marquée de manière suffisamment intense pour laisser une empreinte ? Deuxièmement, comment puis-je faire réémerger cette expérience ? Enfin, comment le cerveau évolue-t-il ? Car, au fur et à mesure que l’expérience est rappelée, elle peut aussi se modifier. Notre mémoire n’est pas du tout infaillible, elle est extrêmement plastique. Il est donc possible de faire réémerger certains souvenirs, voire d’encourager la résurgence de souvenirs agréables, tout en cherchant à gommer les aspects désagréables après une expérience, par exemple lors d’une interaction avec le service client.

Quel est le rôle et le fonctionnement de l’émotion en neuroscience ?

Un autre élément intéressant que nous enseignent les neurosciences est la manière dont fonctionnent les émotions. L’émotion est une réponse adaptative à une stimulation. C’est une modification de notre état corporel et cérébral qui nous permet de nous adapter à un événement donné. Il y a un premier processus d’évaluation de la situation, qui se fait en quelques dizaines ou centaines de millisecondes. Ensuite, la réponse émotionnelle est tout aussi rapide et automatique, c’est pourquoi il est inutile d’essayer de contrôler l’émotion à ce stade. Notre corps réagit instinctivement, et les conséquences suivent. Par exemple, si vous rencontrez un serpent en marchant dans la forêt, avant même d’analyser s’il est venimeux ou dangereux, votre corps se fige instantanément pour vous protéger. C’est une réaction automatique.

Heureusement, dans l’expérience client, on ne rencontre pas de serpents. Cependant, nous sommes constamment stimulés : par les médias, la publicité, les produits, et les interactions. Si une expérience coïncide avec les attentes, les buts, et les besoins du client, cela générera des émotions positives. À l’inverse, si cela va à l’encontre de ces éléments, des émotions négatives apparaîtront. D’où l’importance de bien comprendre, tout au long du parcours client, ce qui génère ces émotions.

Pour comprendre cela, il faut s’intéresser aux émotions vécues à chaque étape d’un parcours client ou lors de l’utilisation d’un produit. Ce n’est pas le produit lui-même qui génère une émotion, mais bien l’expérience du produit. Il est donc crucial de s’intéresser aux émotions qui émergent tout au long du parcours client ou de l’expérience produit. En fonction des émotions qui émergent, nous avons différents modèles pour les analyser. L’un des modèles largement accepté par la communauté scientifique est le modèle des processus composants, développé et publié dans les années 2000 par le chercheur suisse Klaus Scherer. Ce modèle permet de décoder et de structurer les émotions en familles, et de comprendre ce qui en est à l’origine. Est-ce que cela coïncide avec mes buts, mes besoins, ou mes valeurs, ou celles de mon groupe social ? Une fois que l’on comprend cela, on peut même prédire quelles émotions vont émerger d’une expérience ou d’une stimulation donnée.

Pour conclure sur l’émotion et l’intérêt de la comprendre, il y a deux aspects principaux. Le premier, c’est de comprendre ce qui en est à l’origine, les facteurs déclencheurs, et d’agir sur eux. C’est très intéressant, notamment dans les processus d’innovation ou d’amélioration de l’expérience client. Le deuxième point, c’est que les émotions concernent aussi les équipes en interne, car tout le monde vit des émotions. Elles intéressent tout le monde, même si elles restent parfois un peu mystérieuses. Le fait d’en parler permet d’instaurer une communication différente, plus intéressante et motivante au sein des équipes. Nous observons cela lors de nos interventions, et cela fonctionne aussi bien pour nous que pour les équipes, avec un réel impact sur la motivation.

Comment pourriez-vous expliquer le fonctionnement de la motivation en neuroscience ?

Les neurosciences nous montrent que la motivation est distincte de la préférence, elles fonctionnent de manière orthogonale. Prenons un exemple simple : vous pouvez adorer le chocolat, mais ne pas être motivé à en consommer parce que vous avez déjà mangé une tablette entière, ou peut-être parce que vous êtes allergique ou au régime. Même si vous aimez ce produit, vous n’êtes pas motivé à en manger. Le modèle fonctionne ainsi : d’abord, il y a la préférence, c’est-à-dire si vous avez apprécié un produit ou une expérience. Ensuite, il y a ce qui reste dans la mémoire, qu’on appelle le ‘re-liking’ ou l’encodage de l’expérience. Comme nous l’avons vu, la mémoire conserve seulement une trace de l’expérience, pas l’intégralité.

Ce qui alimente ensuite la motivation, c’est ce qui reste de cette expérience. La motivation n’est pas facile à mesurer, mais on peut utiliser l’exemple de l’expérience client : beaucoup d’études utilisent des indicateurs qui mesurent les réactions à chaud, juste après une expérience, via un SMS ou un email demandant une note. Mais les neurosciences nous disent qu’il vaut mieux s’intéresser à ce qui reste une semaine ou un mois plus tard, car ce qui est ressenti à chaud peut être très différent de ce qui reste dans la mémoire à long terme. C’est ce souvenir à long terme qui va alimenter l’envie ou le désir de revivre l’expérience.

Sur quoi repose l’expérience client de demain ?

C’est une question intéressante et difficile à répondre, mais je suis assez convaincu que nous allons de plus en plus travailler sur la complémentarité entre la préférence et la motivation. Les services R&D, les services clients, et les équipes commerciales vont aussi monter en compétence sur la compréhension fine des émotions de leurs clients. Les entreprises qui intégreront ces compétences émotionnelles dans les soft skills de leurs équipes auront un avantage. Cela est certainement déjà le cas pour certains, et même si certains commerciaux ont cela naturellement, il est possible de le développer et de l’encourager.

Cela permettra de mieux gérer les expériences, d’améliorer les expériences imparfaites, et de renforcer la relation entre l’entreprise et ses clients sur le long terme.

Autres Épisodes :

Présentation du projet Une Histoire D’Expérience – Hélène Campourcy CEO de Umantex – Matthieu Maloux CEO d’easiware – Michaël Doliner CEO d’Axialys

 

Le concept d’Une Histoire d’Expérience ?

Une Histoire d’Expérience est une série de vidéos imaginée par Axialys, easiware et Umantex, dédiée à l’exploration de l’expérience client sous toutes ses formes. Chaque épisode aborde des thèmes clés liés à la relation client, avec des témoignages concrets d’experts du secteur.